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Les Partisans | S01E02 | Résiste

Pour ce second opus, on vous emmène voyager en Russie. Quelques années après notre épisode précédent, pendant la Révolution de 1917. L’œuvre du jour va nous permettre de plonger dans une époque où Armées blanches et Armées rouges se faisaient face à coups de canons mais aussi... à coups de chansons.

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1917

C’est la guerre. La vraie. Nous sommes en 1917 et la boucherie des tranchées décime l’occident. 1,5 millions de morts en France, 750 000 au Royaume-Uni et plus de 1,7 millions de morts Russes. Un caprice pour les puissants, un carnage pour les gens.

Pendant ce temps-là en Russie, Nicolas II est solidement installé sur son trône. Il a maté la révolution de 1905 et ses opposants sont soit morts, soit partis. Lénine lui-même est exilé en Suisse et ne croit pas voir de son vivant “les luttes décisives de la révolution imminente” dit-il. Et pourtant parfois, il suffit d’une étincelle.

C’est à Saint-Pétersbourg que l’événement fortuit va advenir. Celui qui précipite tout, qui emporte tout sur son passage : les certitudes, les puissants et leur pouvoir. Fin février 1917, à Saint-Petersbourg, un rationnement drastique du pain vient d’être décidé, c’en est trop. Les femmes se décident à aller manifester, le 23 février 1917, bravant le froid, les cosaques et la police. Étonnamment ces “forces de l’ordre” ne leur opposent aucune résistance. Ce n’est pas la répression qui est au rendez-vous mais une foule, compacte et déterminée qui se donne rendez-vous dès le lendemain pour continuer les revendications. La suite ? Vous la connaissez. De grèves en grèves, de manifestations en manifestations, Lénine et les Bolcheviks prennent le pouvoir, stoppent les combats et rendent les terres et les usines aux Soviets; les comités du peuple formés dès 1905 réunissant ouvriers, soldats et paysans.

Le Tsar Nicolas II, vaincu, est assigné à résidence. Il sera assassiné quelques mois plus tard.

C’est le début de changements fondamentaux pour la Russie et c’est aussi le début d’une autre guerre, civile. Les rouges contre les blancs. Les révolutionnaires face aux contre-révolutionnaires qui se coalisent au sein des Armées blanches pour combattre le changement de régime. Leur objectif, faire vite, pour empêcher les Bolchéviques de s’organiser et d’installer définitivement le nouveau régime.

Les armées blanches

La révolution n’a pas fait que des heureux, elle réussit même à unir contre elle, dans une armée commune, les forces qui la contestent : c’est ce qu’on appelle l’Armée blanche ou les Armées blanches. Ces armées rassemblent des royalistes, des républicains, des fascistes, même certains socialistes… à l’époque il fallait faire barrage vous comprenez. Il fallait tellement faire barrage que ces armées seront aidées financièrement et militairement par le Japon, le Royaume-Uni, la France, le Canada, les Etats-Unis, l’Autriche, l’Australie… Winston Churchill déclare à ce propos “le bolchévisme doit être étranglé dans son berceau”. Ce qui laisse peu de place à la nuance dirons-nous.

Dans ces armées contre-révolutionnaires, on retrouve le régiment Drozdovski, farouchement opposée aux Bolchéviques dès 1905 dirigé d’une main de fer par le Colonel Tourkoul. C’est lui qui va être à l’origine de la chanson qui nous intéresse aujourd’hui.

Nous sommes en 1919 et le Colonel se satisfait des avancées militaires de ses troupes. Les rouges reculent et son régiment vient d’effectuer une belle prise militaire : celle de la ville de Karkhov, en Urkraine. C’est pour fêter cette victoire qu’il ordonne qu’on travaille à la rédaction d’un chant pour rendre hommage aux Armées Blanches, à son régiment et à la “Sainte-Russie”. C’est le compositeur Dmitri Pokrass qui sera à la tâche. Et pour ce faire il décide de reprendre une vieille chanson militaire, créée en 1828 et popularisée dans toute la Russie en 1915. Le choix de Pokrass enchante le colonel Tourkoul. En plus de rendre hommage aux Armées blanches, cet hymne permet de s’approprier et de détourner une chanson connue du grand nombre. Peut-être avait-il compris que la guerre ne se gagne pas seulement sur le terrain mais aussi dans les têtes.

Le 29 juin 1919, dans les rangs du régiment Drozdovski, on entend pour la première fois le chant du régiment Drozdovksi.

La marche du régiment Drozdovski
Les Drozdovstsi s’avançaient d’un pas ferme,
L’ennemi assailli s’enfuit.
Sous le drapeau tricolore de la Russie,
Le régiment flirtait avec la gloire.

Et même si nous rentrions grisonnant
D’un labeur sanglant,
Que sur toi se lève, Russie,
Un soleil nouveau, enfin !

C’est sur cet air que se feront les avancées des Armées blanches, soutenues par les puissances occidentales. A ce moment-là, à l’automne 1919, elles font vaciller la révolution et l’issue de la guerre civile russe est incertaine. Mais l’Armée Rouge, sous la direction du camarade Trotsky, est loin d’avoir dit son dernier mot.

L’armée rouge

À Moscou, on s’organise. Attaqué de toute part, le nouveau régime doit sécuriser son territoire et veut même l’agrandir pour ‘“exporter” sa révolution. Gardant en tête l’expérience de la Commune de Paris, il savent qu’ils doivent organiser leur défense pour ne pas être massacrés. Ils font face à un problème majeur : la plupart des anciennes forces armées de l’empire est partie combattre pour les Armées blanches. Sous la main, hormis quelques forces spéciales, il leur reste la Garde rouge. Cette garde est composée d’ouvriers et de paysans qui ont pour mission de protéger la révolution. Déjà active pendant la révolution de 1905, les Bolchéviques et Lénine savent qu’ils peuvent compter sur cette poignée de militaires. Ils constitueront le noyau dur de l’Armée Rouge qui sera fondée officiellement le 23 février 1918, 1 an après la manifestation de St Pétersbourg.

Trotsky, chargé de sa professionnalisation, l’étoffe de millions d’hommes. Et c’est ainsi que front après front, l’Armée Rouge mettra en déroute les Polonais, toujours en guerre pour leur indépendance; les forces occidentales qui l’encerclent et les Armées blanches qu’ils repoussent jusqu’aux rives de l’immense fleuve Amour, à la frontière chinoise.

Nous sommes en 1922. La guerre civile est terminée. Les Armées blanches ont perdu et la bataille culturelle commence.

À Moscou, l’écrivain socialiste Parfenov se met en tête de réécrire les paroles de la chanson du Colonel Tourkoul. La marche du régiment Drozdovski. Cette reprise est un véritable pied de nez aux Armées blanches puisqu’elle rend hommage à la 2e division de l’Amour, celle-là même qui a planté le dernier clou dans le cercueil des Armées blanches. Le chant des Partisans de l’Amour était né. Quelques années plus tard, ce chant fera son entrée dans le répertoire des Choeurs de l’Armée rouge sous le nom “Les Partisans”.

Les Partisans
Les drapeaux étaient trempés,
Rougis par les dernières blessures,
Ainsi s’avançaient les escadrons rapides,
Des partisans de l’Amour

Nous avons écrasé les atamans,
Nous avons chassé le voïvode,
Et sur les bords du Pacifique,
Nous finîmes notre campagne

Et aujourd’hui ?

La bataille pour s’approprier cette chanson s’est poursuivie ensuite dans notre pays. Il faut dire que ce pied de nez n’a pas plu à tout le monde. Voir une chanson des Armées blanches salie par les Choeurs de l’Armée rouge était une horreur, un affront même, pour les adorateurs de monarques.

Cette fois-ci c’est l’Action Française, mouvement royaliste et fasciste, qui décide en 1970 d’écrire sa propre version, pour la rendre, en quelque sorte, au camp des Armées blanches. Le Chant des Partisans Blancs raconte la traque de Trotsky par les troupes de Dénikine et elle est encore aujourd’hui chantée dans les milieux nationalistes français. Mais rassurez-vous nous n’allons pas nous quitter sur cette funeste version.

Écoutons plutôt les chœurs corses du groupe Chjami Aghjalesi qui chantaient au début des années 1990 l’hymne socialiste et nationaliste corse. Cet hymne s’élève contre l’impérialisme français, les traîtres corses engraissés et le capital gourmand.

Ils chantent “Une voix s’est élevé, celle des peuples reniés. En libérant la Nation, nous ferons la Révolution”.


N’hésitez pas à nous écrire pour nous proposer des idées d’œuvres révolutionnaires à fouiller et nous faire part de vos connaissance en la matière. Ce sera aussi un moyen pour nous d’avancer plus vite dans la production de ces podcasts. Pour nous écrire à ce sujet, une adresse mail est à votre disposition : contact@linternationale.fr

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