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Que faire de notre colère ?

Les annonces ulcérantes sont quotidiennes. La gestion de l’épidémie de coronavirus par les autorités françaises et européennes est une grossière improvisation. Rien n’aura été épargné aux Français.
Que faire de notre colère ?
Illustration de Aurélie Chien Chow Chine

Il faut dire que les mêmes ont accepté depuis des années des politiques d’austérité budgétaire qui ont détruit, méthodiquement, le système de santé du pays. L’Union européenne a sciemment donné la consigne de le faire et la droite de Sarkozy, la gauche de Hollande, l’extrême centre de Macron s’y sont attelé sans scrupules, sans répit, sans pitié.

Le constat est indiscutable mais vous trouverez toujours quelques fanatiques du libéralisme et la main invisible du marché pour nier l’évidence. Il faut dire qu’ils sont responsables et qu’ils n’acceptent pas de rendre des comptes, pas plus qu’ils n’acceptent de partir, de s’excuser, de corriger. Nous avons à faire à des dogmatiques, aussi irrationnels que l’étaient les bureaucrates de l’Union soviétique ou de la Chine maoïste. Ce sont les mêmes mécaniques totalitaires qui l’emportent : en dehors de leur cadre, rien ne peut exister.

Que faire face à cela ?

La colère et l’indignation d’une bonne partie de la population montent. Pour contre balancer cela, Emmanuel Macron a sorti un plan de communication. Il pense pouvoir répondre à la colère par des images. Un cache-sexe. Vous vous indignez que des proches de personnes décédées payent pour se recueillir devant un cercueil ? Macron répond par une visite improvisée d’un hôpital. Vous êtes scandalisé que Korian, la première chaine d’EHPAD dans le pays, qui réalise plus de 3,3 milliards de Chiffre d’affaires, laisse mourir ses « clients » emprisonnés et interdits de visite ? Macron annonce qu’il va à Marseille rencontrer le professeur Raoult dont 60% des Français pensent qu’il a le remède.

Voilà à quoi nous assistons. Pour Macron, les choses n’ont pas changé. Il gère l’épidémie comme il a géré l’affaire Benalla. De la communication pour noyer le poisson, des annonces d’argent magique dont personne ne voit la couleur, des paroles, des paroles, des paroles… « Venez me chercher » avait-il défié à l’époque, il a récolté le mouvement de Gilets jaunes. Et cette fois-ci ?

Cette fois-ci, il nous dit « Restez chez vous » et il s’assure que vous y restiez longtemps. Les contrôles de police, les arrêtés préfectoraux liberticides, l’État d’urgence indéfini… Nous ne sommes pas prêts de manifester à nouveau. Il n’y aura plus de défilés dans les rues de Paris ni ailleurs. Pas avant longtemps.

Alors la colère et l’indignation sont confinées. Nous sommes avec elles, enfermés. Seuls demeurent les réseaux sociaux pour ceux qui ont encore la force de dénoncer, d’alerter, de s’exprimer. Mais beaucoup en sont réduits à attendre. Attendre la fin de tout cela.

Au moment où nous avons besoin de collectif, nous voilà renvoyés à nous-mêmes, notre être enfermé avec sa colère. Comment vivre avec elle, chaque jour ? Que faire d’elle ? que faire de soi quand on ne peut pas aider les autres ?

« Elle finira par exploser » croient savoir certains. « Elle s’effacera avec le temps » prédisent d’autres. « Elle doit se transformer en force positive » conseillent les optimistes. « Elle vous consumera » annoncent les sceptiques. Privée de son expression collective, la colère devient une affaire personnelle. Chacun en fera ce qu’il voudra ou pourra.

C’est donc une décision personnelle qu’il faut prendre : la colère et l’indignation sont des sentiments personnels qui n’ont pas le pouvoir de changer le monde s’ils sont individualisés.

La seule façon d’en faire quelque chose est de « collectiviser la colère ».

Comment ? En prenant l’initiative d’actions collectives sans rassemblement : les plaintes contre les ministres et les responsables de la situation en sont une démonstration. D’autres initiatives comme les manifestations en ligne. Suspendre des banderoles par sa fenêtre ou son balcon.

Ces actions sont des formes d’expression collective qui nous sortent de l’isolement du confinement sanitaire devenu confinement politique. Car le « Restez chez vous » n’est plus seulement une affaire de santé publique. Il est aussi l’assurance pour Macron et son gouvernement de ne pas affronter la colère. Il est devenu leur protection politique.

En restant chez nous, nous sauvons des vies. Les leurs d’abord. En restant chez nous, ils sont assurés que leur vie de dirigeants irresponsables se poursuivra comme si de rien n’était. Si vous voulez que ce confinement ne soit pas un temps individuel, ne renoncez pas à exprimer votre colère. Et faisons-le collectivement. « Le silence, c’est la mort ». Alors parlez pour sauver des vies.

Et qu’ils dégagent.